mardi 23 mars 2010

J'approuve entièrement.

MESSAGE QUÉBÉCOIS
par Suzanne Lebeau

Petite, j’ai découvert le théâtre dans mes jeux. Je jouais ce que j’avais observé et ce que j’imaginais. Je jouais pour comprendre les mécanismes qui régissent les relations des hommes entre eux, en les défaisant et en les refaisant. Je jouais pour décider si j’allais me conformer ou refuser ces règles. Je jouais pour intérioriser le monde extérieur, le critiquer, le réinventer. En fait, je jouais pour me découvrir moi-même et découvrir mon rapport au monde.

Devenue grande, j’ai continué à jouer pour comprendre ce monde que je ne comprenais toujours pas, bouleversée de constater à quel point, le théâtre est, de tous les arts, celui qui ressemble le plus à la vie. Il est contradictoire, paradoxal, tous les jours différent, dans un équilibre étrangement précaire entre l’intime et le collectif, la matière et l’humain, le provisoire et le définitif.

Il germe dans l’intimité la plus profonde, naît du désir secret de trouver les mots, les images pour dire, rire, crier, se réjouir, s’indigner, pleurer. Étrangement, pour toucher cet autre qui est là devant, le théâtre a besoin de la médiation du collectif : de la scène, où le travail est d’équipe, et de la salle, une société en miniature. Il a beaucoup changé de forme à travers les siècles. Classique ou romantique, moderne ou contemporain, il est d’hier, d’aujourd’hui ou de demain, grotesque ou burlesque, tragique ou dramatique, pour adultes ou pour enfants...il est et sera toujours le témoignage d’un homme devant d’autres hommes, aussi grands dans leurs espoirs que mortels dans leur finalité. Le théâtre a changé au rythme de la technologie, parole qui s’inscrit dans l’époque qui la porte. Il s’est éclairé de suif, de bougie ou de pétrole. Il brille aujourd’hui comme un feu d’artifice, joue de la lumière et de l’ombre avec une science qui n’a d’égal que les outils que le siècle lui donne... Pourtant, la technologie la plus sophistiquée ne pourra jamais égaler l’accent de vérité et la force que donnent le sens et l’urgence de dire. C’est la parole directe d’un seul qui prend le risque de partager avec d’autres sa vision du monde qui garde le théâtre aussi vivant qu’aux premiers jours.

L’actualité le confirme.
Nous sommes en temps de crise et le soutien public coupe les vivres.
Le public se serre la ceinture.
Pourtant...Jamais on n’a vu une relève aussi courageuse, vigoureuse envahir les lieux du privé et du public pour le rejoindre ce public.
À 2, à 4, à 10, les artistes du théâtre font vivre et vibrer une entrée, un couloir, des chaises droites et dures.
Provisoire, dans les moyens qu’on lui donne, provisoire dans sa manière de se réinventer soir après soir, aussi provisoire que la vie et l’humeur quotidiennes, le théâtre est définitif dans le besoin que nous avons de dire et de partager.

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